Il n’est jamais trop tard pour s’aimer

by Mrs W.
Comment j'ai appris à aimer mes cheveux naturels crépus et à m'aimer telle que je suis

Aujourd’hui, je partage à nouveau(*) un bout d’histoire, un témoignage personnel, celui de mon retour au naturel.  Je veux parler de la vraie nature crépue de mes cheveux.

Pour ma part, le chemin vers le retour au naturel a été pavé d’embûches et de détours appelés déni, préjugés, ignorance, haine avant de retrouver des sentiers plus curieux pour atteindre l’émerveillement et l’amour de soi.

1. Comme un parfum de désamour…

Pour une femme trentenaire, working girl, bardée de diplômes et une carrière en orbite, cela peut paraître déconcertant de réaliser à quel point je ne connaissais RIEN et ne me préoccupais que très peu de mes cheveux. 

Cela ne veut pas dire que je ne me coiffais pas.  Loin de là, dans la carrière d’avocate que j’ai exercée avec passion pendant plus de huit années, on peut dire que l’apparence comptait. 

En tant que fashionista, j’étais toujours tirée à quatre épingles et veillais, bien entendu, à « me faire coiffer ». 

A coups d’extensions capillaires, j’enchainais les styles au gré de mes envies, ayant le sentiment d’être présentable lorsque mes cheveux longs, courts, raides, bouclés, au carré, ondulés, ou plutôt ceux d’une généreuse indienne ou brésilienne,  étaient fixés à mon crâne et camouflaient ma vraie texture, qui elle, n’était jamais révélée au grand jour, même pour les plus curieux qui me demandaient parfois à quoi ressemblaient mes vrais cheveux (#malaise).    

J’étais tranquille et coiffée, du moins jusqu’à la prochaine séance de torture…

Oui, oui, je dis bien torture, car pour moi, ces cheveux crépus étaient compliqués, secs, durs, indomptables et soyons clairs, moches. 

On ne savait rien faire avec ces cheveux et d’ailleurs, ceux qui m’avaient dit depuis mon enfance qu’il fallait souffrir pour être belle, semblaient avoir raison. 

Rien ne semblait les détendre.  C’était normal.  Il fallait mieux les camoufler sous mes mille et un artifices capillaires.

Pire que de la haine, je leur offrais un désintérêt total mêlé à de l’ignorance. Un réel parfum de désamour flottait dans cette mauvaise pièce.

2. Curieuse, curieuse…

Je suis de nature curieuse.  Et j’avoue ne pas avoir été insensible à un certain mouvement ayant gagné les femmes noires de tous les recoins de la planète déclarant leur amour pour leurs cheveux crépus en les soignant, les acceptant et les portant fièrement.

De tutoriels, en blogs, en ateliers que je suivais religieusement derrière mon écran ou autour de moi, j’assistais à la célébration de la beauté de toutes ces femmes qui enseignaient gratuitement les gestes qu’on ne nous avait que trop peu montrés dans notre enfance et adolescence sans que cela n’ait l’air d’être une torture.  

Elles cassaient les préjugés qu’on pouvait avoir sur le cheveu crépu et démontraient qu’il ne faut pas absolument être métisse ou des îles pour avoir de beaux cheveux (oui idée préconçue stupide je sais mais fort répandue).

Ces femmes noires qui me ressemblaient, je les voyais enfin, peut-être pas dans les magazines mainstream mais elles étaient bien présentes et brillaient de mille feux au naturel.

Toute une série de coiffures très jolies et élégantes étaient accessibles à ce cheveu qui frise et rétrécit et défie sans prévenir les lois de la gravité ou de l’humidité.

Comment j'ai appris à aimer mes cheveux crépus sans artifices et à m'accepter au naturel

Alors, oui j’étais curieuse mais pas encore courageuse au point de tout couper et repartir à zéro.  Alors j’y ai été par petits pas.  

J’ai balancé mes extensions et ai décidé de laisser mes cheveux libres, mais défrisés.  Un pas de géant dans mon univers : mes cheveux voyaient à nouveau le jour et je m’essayais à de la créativité dans mes coiffures à coups de twists, nattes, tresses et chignons de plus en plus sophistiqués.

Même si je ressentais qu’infliger à mes cheveux des produits chimiques pour les détendre ne devait pas être des plus sains, j’étais encore persuadée que je n’étais pas prête à arborer mon afro dans toute sa splendeur. 

Les gens ne comprendraient pas au travail, on me poserait sûrement trop de questions, je n’aurais pas le même rendu que toutes ces filles magnifiques sur les réseaux.  Tous les prétextes étaient bons pour ne pas aller au bout de la logique.

3.  Sur le chemin de l’amour de soi

Plus loin dans mon évolution capillaire, certaines personnes s’étonnaient que je participe à des grands événements autour du cheveu afro avec mes sœurs et cousines : je pense en particulier à la Natural Hair Academy où le temps d’un samedi d’été des femmes noires de multiples horizons et nationalités sont réunies à Paris autour de l’amour du cheveu afro mais aussi autour de débats sur l’estime de soi et la représentation moderne des femmes noires. 

Car quand on y regarde de plus près, on se rend compte que la question du retour au cheveu crépu va plus loin qu’une histoire capillaire mais touche à l’amour de soi dans sa totalité : ce qu’on est, ce qu’on représente.  

Aller à ce genre d’événements m’a certainement confortée dans mon choix d’oser m’accepter telle que je suis, sans artifice, entourée d’autres femmes qui le vivaient très bien et étaient, au demeurant, magnifiques.  Moi aussi, je voulais leur ressembler, pas littéralement, mais pouvoir aussi m’accepter comme elles s’acceptaient.

Amour de soi

Alors j’ai enfin balancé mes produits défrisants qui me faisaient plus de mal que de bien, et ai laissé la nature reprendre ses droits petit à petit.  Une transition douce vers ces frisettes qui n’attendaient que d’être libérées du poids de la honte et du désintérêt. 

Cela m’aura pris 34 années pour oser enfin apprendre à les chouchouter et les apprécier à leur juste valeur à l’aide de produits plus adéquats pour leur texture.  Le résultat est là : ces frisettes me montrent un autre visage que ce que je m’étais imaginé avec horreur il y a quelques années. Tu es belle au naturel.

Je ne compte plus les compliments reçus que ce soit de la part de mon partenaire (bon il n’est pas objectif 😉 ou dans la sphère amicale ou même professionnelle.  Entretemps, je travaille comme juriste dans une boite internationale et effectivement personne n’a fait un infarctus en voyant mes cheveux crépus (what the hell was I thinking ???). 

Tout ce sang d’encre que je me faisais sur ce que les gens allaient penser ne rimait à rien. 

Personne n’en a rien à cirer de mes cheveux.  Chacun a ses propres préoccupations (nos cheveux sont avec un peu de chance la priorité n° 15336 de nos interlocuteurs). 

Et dès lors qu’on apprend à les aimer, même dans les bad hair days (vive les chignons) c’est ce qui compte car on sera hermétique aux questions des curieux ou aux regards trop appuyés si il y en a (malheureusement ça existe encore ).

Femme noire qui accepte son cheveu afro dans toute sa splendeur

Je vais être honnête, je suis encore sur ce chemin de l’apprentissage.  Je ne vais pas encore au travail avec un afro totalement libre et je ne maitrise pas toujours la nature de mes cheveux et leurs besoins.  Mais ce n’est pas grave.  J’y vais par étapes et suis déjà fière du chemin parcouru. 

Il ne faut rien forcer et y aller à son rythme mais à toutes celles qui hésitent encore, je le confirme, porter ses cheveux au naturel a un côté libérateur. 

Nous sommes encore plus belles lorsque nous sommes libres.

Loin de moi l’idée de faire la morale à celles qui préfèrent défriser ou tisser leurs cheveux.  Il m’arrive de faire des rastas, recourir à des extensions pour ajouter du volume et je referai certainement des tissages, mais ce sera par choix et non pas par obligation. 

Je ne suis plus démunie face à mes cheveux crépus et j’ai hâte de découvrir les secrets que ce que ce nuage de coton me réserve. 

Le chemin de l’amour de soi ne fait que commencer…

Et pour vous ?

Anne-Sophie, alias Mrs W.


(*)Ce texte a été publié pour la première fois en 2019 comme témoignage sur le site Cohea dédié à l’amour et au soin des cheveux bouclés et crépus.

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