#29- Travailler plus que les autres pour réussir : piège ou vérité?

by Mrs W.
Faut-il travailler plus que les autres pour réussir ? Piège ou vérité ? En tant que femme et/ou personne de couleur est-ce toujours vrai ? Revisitons ce conseil dans ce qu’il a de bon et moins bon pour notre carrière et estime de soi.
Faut-il travailler plus que les autres pour réussir ? Est-ce d’autant plus vrai en tant que femme, personne de couleur ou d’origine étrangère ? Dans ce cas, faut-il en faire deux fois plus pour être perçu(e) comme l’égal(e) des autres ? Poser la question, c’est déjà y répondre, non ? Je propose pourtant de revisiter ce conseil professionnel dans ce qu’il a de bon et moins bon pour notre carrière et notre estime de soi.  Le sujet est riche alors j’ai décidé de l’aborder en deux parties.  La première dans cet article : travailler plus que les autres pour réussir : piège ou vérité ?  Bonne lecture…
 
Faut-il travailler plus que les autres pour réussir ? Piège ou vérité ? En tant que femme et/ou personne de couleur est-ce toujours vrai ? Revisitons ce conseil dans ce qu’il a de bon et moins bon pour notre carrière et estime de soi.
 

Plan de l’article (5 min de lecture)

  1. Un parfum de « Scandal »
  2. Le syndrome de la bonne élève
  3. Travailler plus : une logique implacable ?
    1. Un devoir d’excellence
    2. La soupe aux clichés : la faute à qui ?
  4. Travailler plus : une spirale sans fin ?
    1. Les bienfaits de travailler plus
    2. Les pièges : quand l’épuisement s’en mêle

1. Un parfum de « Scandal »

Il est des séries qui vous marquent.  Pour ma part, je suis fan de la série Scandal et son héroïne charismatique, Olivia Pope, interprétée par l’étincelante Kerry Washington. 

Outre sa garde-robe à couper le souffle et la confiance que dégageait cette femme d’action (#girlboss), j’ai été particulièrement frappée par une scène devenue culte, à savoir : un monologue iconique du père d’Olivia Pope campé par l’excellent Joe Morton (ci-dessous l’extrait vidéo : à jouer à partir de 1min20).

« You have to be twice as good as them to get half of what they have »

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Extrait de la série ABC « Scandal » (tous droits réservés ABC)

La punch line de Papa Pope était la suivante: « You have to be twice as good as them to get half of what they have », autrement dit « tu dois être au moins deux fois plus performante qu’eux pour obtenir la moitié de ce qu’ils ont ».

Telle une madeleine de Proust au goût amer, cette partie du discours du père de mon héroïne préférée me ramenait, en réalité, aux conseils avisés de mon propre père à la jeune étudiante qui entamait avec pas mal d’appréhension ses études de droit (sur mon parcours voir ici).    

A en croire les mauvais présages unanimes : il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. L’auditoire serait probablement réduit de moitié l’année suivante. 

Allais-je y arriver ? Allais-je être du bon ou du mauvais côté de la statistique ? Rien pour me rassurer. 

Et pour couronner le tout, mon père m’annonçait sans ménagement qu’en tant que femme, et qui plus est, en tant que femme de couleur, je n’avais d’autre choix que l’excellence si j’espérais être tout simplement considérée comme l’égale des autres dans mes études mais surtout, dans le monde du travail. 

Le couperet était tombé.  Réussir n’était pas une option. Il fallait réussir au minimum avec la grande distinction. 

Ce constat était injuste et violent mais un simple constat froid et objectif. 

Pas de sentiments entre nous. Il fallait monter dans ce train en marche qui n’avait pas prévu de m’attendre.

2. Le syndrome de la bonne élève

Inquiète de mon propre sort, j’ai suivi, sans trop sourciller, cette précieuse recommandation, me donnant corps et âme dans ces études de droit, en option bilingue (pourquoi faire simple n’est-ce pas ?). 

Les périodes précédant les examens étaient agrémentées de nuits blanches, d’angoisses, de stress, de chaudes larmes et de lourdes remises en question alors que pendant les vacances, j’entendais infiltrer avant l’heure le milieu professionnel du droit au travers de stages et jobs d’étudiants.  Rien ne m’arrêtait. 

J’ai finalement décroché ce diplôme tant souhaité avec les honneurs et en prime, ma place d’avocate dans un cabinet prestigieux. 

Mission accomplie?

3. Travailler plus : une logique implacable?

On pourrait s’arrêter là et se dire que l’histoire se termine bien et que nos papas avaient raison mais presque quinze ans plus tard, alors que je suis assise professionnellement (dans un autre métier du droit) et ne ressens plus ce sentiment de devoir prouver au monde que j’ai ma place, je me repose la question de la pertinence de cette affirmation : faut-il vraiment travailler plus que les autres pour réussir professionnellement ?

A. Un devoir d’excellence

De ma propre expérience, le devoir d’excellence est une constante.  

Au gré de mes conversations, je me suis rendu compte que mon cas n’était pas isolé.  C’est le lot de nombreuses personnes de couleur ou simplement d’origine étrangère.

Exemple : voy. cette interview d’Yvonne Orji, comédienne américano-nigériane fameuse pour son rôle d’avocate à succès dans la série Insecure (HBO).  Elle explique avec humour l’attente de ses parents nigérians espérant qu’elle devienne docteur ou…docteur (voir une de ses interviews ici).  Après avoir tenté d’entrer dans le rang, elle a finalement poursuivi ses rêves de comédienne avec le succès qu’on lui connait.

Dans mon cas, on n’attendait pas de moi que je me lance dans une certaine profession, mais si je me lançais dans quelque chose, il valait mieux être sur le haut du podium pour espérer être considérée comme l’égale des autres dans une société occidentale moins habituée à un profil comme le mien

B. La soupe aux clichés : la faute à qui?

Pourquoi ce décalage forcé avec ces « autres » ?

Apparemment, mon profil de femme noire susciterait chez certains une panoplie de clichés pouvant se résumer à un voile de doute sur mes capacités professionnelles et intellectuelles.  Par défaut, je n’aurais pas le niveau ?

Faut-il travailler plus que les autres pour réussir en tant que personne de couleur?

La faute à quoi et à qui ?

  • Les reliquats de la colonisation ? La question mérite d’être posée.
  • L’ignorance ?

Exemple concret : Un jour un de mes collègues du barreau d’à peine cinq ans mon ainé m’a avoué qu’il n’avait jamais fréquenté de personne de couleur avant moi et, croyant me faire un compliment, avait maladroitement conclu que je « n’étais pas comme les autres (noires)… »

  • La perception parfois négative et simpliste des personnes d’origine étrangère (nées ou non en Occident) dans certains médias ou films ?

En grossissant le trait, il faut bien reconnaitre que les personnalités noires mises en avant dans les médias sont souvent glorifiées pour leurs capacités sportives ou vocales et de l’autre côté du prisme, les personnes de couleur sont cantonnées à des rôles moyennement positifs allant du délinquant issu du ghetto à la pauvre victime reconnaissante d’être sauvée par un héros occidental.  J’ai prévenu :je noircis le trait (c’est le cas de le dire).  Les rares scientifiques, professeurs, médecins ou avocats de couleur seront plus communs dans les films américains.  Bien que cela évolue lentement en Europe aussi…

Je comprends, dès lors, la logique de nos parents nous poussant à l’excellence.  En effet, ne vaut-il pas mieux préparer ses enfants à la réalité de la vie ? Et dans mon cas, cela m’a réussi non ? CQFD ? Pas si sûr…

4. Travailler plus: une spirale sans fin?

A. Les bienfaits de travailler plus

Je pense sincèrement qu’au départ, travailler plus m’a permis de :

  • me démarquer
  • décrocher une belle place dans un cabinet de premier plan et
  • lancer ma carrière en orbite dans un univers pas toujours accessible aux personnes qui me ressemblaient.

Interlude : Pour ne rien vous cacher, j’ai très souvent été la seule personne de couleur dans la pièce, le bureau, la conférence, l’auditoire, la salle d’audience, la fête de fin d’année sauf quand débarquait l’autre noire du cabinet qui était elle aussi hautement qualifiée et bardée de diplômes.  Décidément, la logique implacable de mon papa se vérifiait encore et encore.

B. Les pièges : quand l’épuisement s’en mêle

Mentalement marquée au fer rouge par cette impression de devoir continuellement prouver ma valeur, je me suis engouffrée dans cette lancée du « toujours plus » à la sauce perfectionniste – pour ne rien arranger – sans compter mes heures ni les vexations et micro-agressions du quotidien dans ce métier d’avocate.

Articles liés : voir l’importance de dire non ou cet article sur le respect au travail

Psychologiquement, cela peut devenir épuisant. 

La conséquence directe est qu’à force de s’entendre dire qu’on sera perçue comme inférieure aux autres ou que certains métiers ne seraient par nature pas taillés pour nous, on peut mener notre vie professionnelle en pensant réellement qu’on vaut moins que les autres et qu’on devra toujours en faire davantage pour constamment prouver sa valeur.  Mais jusqu’à quand ?

 

Travailler toujours plus peut devenir un piège

La voyez-vous cette spirale ?

  • Quand est-ce que la quantité et la qualité sans cesse renouvelée de notre travail seront-t-elles enfin suffisantes pour qu’on ait prouvé qu’on vaut aussi bien que les autres (qui ne se sentent pas forcément obligés d’en faire autant) ?
  • Quand pouvons-nous dire qu’on est enfin l’égal(e) des autres ?

Ces questions demeurent sans réponse, alors on continue à en faire encore davantage. 

La frustration monte et la confiance en soi baisse, toujours à la merci de ceux que la situation arrange : nous en donner toujours plus…jusqu’à l’épuisement.

Faut-il travailler plus que les autres pour réussir ? Piège ou vérité ? En tant que femme et/ou personne de couleur est-ce toujours vrai ? Revisitons ce conseil dans ce qu’il a de bon et moins bon pour notre carrière et estime de soi.

            Sur l’épuisement professionnel : vous aimerez cet article sur l’importance de dire non

C’est là pour moi que cette logique de faire davantage que les autres pour prouver sa valeur trouve sa limite.  Pire, cet état d’esprit peut devenir un véritable piège.  Alors, comment en sortir ?

Je proposerai dans le prochain article quelques pistes pour éviter les pièges de cette course sans fin.  

Et vous ? Avez-vous aussi un jour pensé qu’il fallait travailler plus pour simplement être perçu(e) comme l’égal(e) des autres ? Si c’est le cas, vous n’êtes pas seul(e).

On est ensemble,

Mrs W.

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Au plaisir d’échanger et de vous lire.

 

 

Faut-il travailler plus que les autres pour réussir ? Piège ou vérité ? En tant que femme et/ou personne de couleur est-ce toujours vrai ? Revisitons ce conseil dans ce qu’il a de bon et moins bon pour notre carrière et estime de soi.

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